Les appels téléphoniques
J’ai pris le parti, depuis toujours, de prendre les appels téléphoniques à mon cabinet, même en cours de consultation. Je vous parle des appels professionnels bien sûr. Ce n’est pas la position de tous mes confrères qui pour certains peuvent être catégoriques sur ce point, en refusant toute interruption de la séance en cours. Cela fait partie de ce qu’on appelle « le style de l’analyste ».
J’ai en mémoire ce patient qui m’a raconté avoir tenté de prendre RV plusieurs années en amont, et avoir laissé tomber devant les répondeurs téléphoniques, ne pas avoir eu l’énergie de laisser de message. Il lui a fallu plusieurs années pour reprendre le téléphone. Le premier contact avec « un psy » est une démarche souvent difficile, il faut accepter que quelque chose en soi ne va pas et adresser une demande à quelqu’un qu’on ne connait pas, même si au mieux, son adresse nous a été donnée par quelqu’un de confiance. Cet appel est une sorte de premier rendez-vous, il ne faut pas le rater.
Alors oui bien sûr, il faut rester raisonnable, et si la demande prend un peu de temps dans sa formulation, proposer de rappeler ou d’être rappelé, mais ce premier contact est essentiel, il établit le pont nécessaire. Il n’est pas sûr que Doctolib en soit un équivalent. Peut-on prendre rendez-vous avec un psy comme avec un médecin ? Le transfert s’inscrit-il dans une case, une fiche standard ?
Et pour la séance en cours, me direz-vous ? N’est-ce pas dérangeant ? Parfois vécues par l’analysant comme une simple parenthèse, une respiration qui permet de « reprendre ses idées » de les formuler autrement, ces interruptions peuvent avoir un effet très fertile en interrogeant le sentiment de sa propre valeur par exemple, ou la place que viendrait prendre fantasmatiquement un autre auprès de l’analyste. Cela passe par des émotions, irritation voire colère, effacement - si l’effacement est une émotion - Le transfert est activé et l’analyse relancée. Et puis, sûrement ce patient-là a-t-il aussi appelé un jour où l’analyste était au travail. L’analyse commence bien avant la première séance.
Jeanne Marmara.
Le 20 04 2022.