La scarification chez l’adolescent, une écriture

Le moment où un parent, souvent la mère - qui a généralement une plus grande proximité corporelle avec son enfant - découvre que son enfant adolescent se scarifie, est particulièrement éprouvant. La douleur de son enfant lui est révélée brutalement et tout à la fois, de manière énigmatique, sans mot pour la dire. Il y a dans un même temps démonstration de cette douleur et silence sur ses causes, ce qui laisse le parent dans un grand désarroi, Il a beau questionner, il se heurte à la propre question de son enfant : « je ne sais pas » ?
 
C’est parce que l’adolescent qui se scarifie n’a pas les mots pour dire cette douleur, qu’il en passe par son écriture sur le corps. Ecriture limitée à ses signes premiers, qui demandent à être déchiffrés.

Lorsqu’il lui est proposé un espace de parole, à l’abri de l’angoisse parentale, ce que l’adolescent peut dire le plus facilement c’est la sensation de soulagement, très transitoire, qui lui vient de la douleur physique, pâle transcription de sa douleur psychique. La vue du sang vient signer son accomplissement. Tant que la douleur psychique n’a pas trouvé à se dire par la parole, elle cherchera son écho, dans la répétition de l’acte.

Lorsqu’il décrit son acte au psychanalyste, l’adolescent évoque fréquemment un sentiment de honte. Honte de se scarifier et honte du dévoilement de la scarification. La honte fait écran à la parole, la nommer c’est déjà une voie d’accès aux blessures intimes. Il reste bien sûr, tout un travail à faire, passage du réel de l’écriture sur le corps, à sa symbolisation par la parole et son interprétation.

Il y a des scarifications qui ne trouvent pas à se symboliser, qui restent en signes sur le corps, signes sans signification. On n’y repère pas une écriture, mais la trace du réel. Le psychanalyste travaillera alors autrement.

Jeanne Marmara.
Le 03 04 2022