Le Harcèlement à l'école
Je reçois de plus en plus d’enfants victimes de harcèlement à l’école. Leur désespoir est poignant.
Par exemple, ce petit garçon de 8 ans: Lui qui était si sociable, gai, joueur… Il est devenu agressif. Que se passe-t-il? Aurait-il des troubles de caractère? son entourage s’inquiète… On lui pose des questions, on lui fait la morale. Rien n’y fait, il reste muet. Pourtant, il a des parents attentifs et une maîtresse qui cherche à comprendre.
Pourquoi se décide-t-il à me confier son chagrin? Est-ce que c’est parce qu’on est loin de tout? De l’école, de la maison, de l’inquiétude et de l’attente des adultes? L’espace de la consultation est un lieu particulier où l’enfant peut déposer sa propre parole. Je remarque son visage fermé: « Oh! Je crois que vous n’aviez pas envie de venir me voir? » Il acquiesce. Je lui dis qu’il ne me dira que ce qu’il veut, qu’il n’est pas obligé de me parler. son visage se détend.
Voilà ce qui se passe: Il y a des enfants à l’école, des plus grands, qui le frappent. Ils sont plusieurs, ils lui donnent des coups dans la cour de récréation. Ils lui disent: « Si tu rapportes, on te tapera plus fort » Que peut faire ce petit garçon? Il n’a pas d’amis sur qui compter? pas d’alliance à solliciter? – Oui, mais ils ne savent pas quoi faire, et puis ils ont peur aussi…Alors, il essaie de montrer à ses agresseurs qu’il a du courage, qu’il sait se défendre, qu’il est un garçon… Il se met dans des états de transe, des transes de colère…Il concentre toute son énergie, sa rage, comme ces personnages de la mythologie enfantine entourés d’un halo de supers pouvoirs. ça n’a aucun effet, mais au moins, pendant un temps, un tout petit temps, il restaure son image, il sort de l’humiliation.
Et puis, il y a les filles... Elles sont quelques unes à se regrouper, et à rire entre elles en le regardant. Elles ont leurs propres difficultés de filles face au pouvoir des garçons, alors quand l’un d’eux est en difficulté, certaines se vengent. Ces petites filles-là, même si d’autres sont capables d’empathie, en rajoutent à l’humiliation du petit garçon et à son isolement.
Au début, il a parlé de tout ça à la maîtresse qui s’inquiétait de ses colères, à ses parents. Enfin, presque de tout cela, les enfants ne disent pas tout d’emblée. Et puis, très vite, il a dit: "non, non, ça y est, c’est fini, ils ne m’embêtent plus": Il s’est inquiété de l’inquiétude de ses parents, il s’est dit qu’il allait y arriver tout seul, qu’il était assez fort…Il ne supportait pas de voir sa maman chagrinée. Et surtout, il a douté de l’efficacité des adultes à le défendre sur la durée.
D’autres parents m’ont dit que lorsque leur enfant a été harcelé, le directeur de l'école a reçu tous les enfants concernés par ce harcèlement, et ensuite, régulièrement, il les a reçus, ensemble et séparément. Il n’a pas lâché le morceau! Face à la perversion, il faut que les enfants puissent se fier à une loi, incarnée pour eux, durablement. Ils ne faut pas que les adultes se laissent endormir. Le silence est psychiquement mortel.
Etre victime de harcèlement, est une chose grave. Sur une toute jeune vie, des mois, voire parfois des années de souffrance, pèsent lourd sur le développement psychique, la confiance en soi, le lien aux autres, les apprentissages.
Lorsqu’un enfant change de comportement, qu’il se replie, qu’il devient coléreux, qu’il a des troubles alimentaires, des troubles du sommeil, des angoisses, des phobies soudaines ( pas forcément tout en même temps, bien sûr) Il faut chercher à savoir ce qui se passe. Il ne faut pas lâcher le morceau!
Pour l’enfant harceleur, la rencontre de la loi peut lui permettre de ne pas s’enfermer dans son acte. Son acte est pervers, mais il n’est pas à confondre avec sa personne. Il dit néanmoins quelque chose de son histoire qu’il est urgent d’entendre et auquel il faut répondre.
Jeanne Marmara
Le 28 08 2018