L’argent en psychanalyse
Vous avez sûrement déjà entendu dire que payer son écu au psychanalyste est important, voire nécessaire. Peut-être même, avez-vous repris cette idée à votre compte : « il faut payer sa psychanalyse » sans vraiment interroger le pourquoi de cet impératif.
Bien sûr, Le psychanalyste travaille et doit être payé pour son travail. Mais au-delà de cette réalité, quel sens cela prend-il pour l’analysant, et quels effets ?
Sans le tiers symbolique introduit par l’argent, l’analyste serait reçu par l’analysant comme une figure imaginaire bienveillante, une figure parentale donnant de son amour. Or, un des leviers essentiels de la psychanalyse est le transfert, ce lien d’amour ou de haine - le plus souvent ambivalent où les deux passions sont imbriquées – qui lie chacun de nous à nos parents ou aux personnes qui nous ont accompagnés quand nous étions enfant.
Au cours de l’analyse, ces passions sont réactualisées et aussi analysées. Ce qui permet à l’analysant de se dégager de ses répétitions et de la position qui le fait souffrir.
L’absence de paiement, voire même un paiement insuffisant, donnerait à l’analysant le sentiment de devoir quelque chose à l’analyste, d’être en dette, et par là même d’être encombré dans l’analyse de ses affects. En effet, comment analyser des affects transférentiels négatifs en présence d’un analyste qui comblerait imaginairement sa demande d’amour ?
Quand l’analyste demande à l’analysant de régler une séance que celui-ci n’a pas honorée, quelles qu’en soient les raisons, il lui signifie que ce qui lui arrive, lui arrive à lui, et non à l’analyste. Ainsi le travail analytique est possible, là où l’amour (celui de l’analyste qui prend les difficultés de l’analysant à son propre compte) embrouillerait tout. C’est au travers de cette frustration que se font les sauts les plus spectaculaires du travail analytique.
Pour autant, Freud avait déjà imaginé en son temps, des institutions où des analyses pouvaient se conduire avec des personnes désargentées. Actuellement, on trouve encore cette possibilité-là dans les CMP et les CMPP - possibilité de plus en plus réduite en sa portion congrue hélas, pour des raisons de choix budgétaires politiques - L’institution fait alors tiers, même si la question de la dette reste présente, et les paiements de cette dette, riche de surprises cliniques.
Jeanne Marmara
Le 24 03 2022